L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

L’église au fil du temps
Exposition proposée en 2022

Journées du Patrimoine

Article mis en ligne le 18 septembre 2025
dernière modification le 20 septembre 2025

par sandy-pascal

La façade extérieure

Avant restauration

Le bâtiment de l’église a été construit au début du XVIIᵉ siècle, peut-être simplement par amélioration d’une chapelle initiale élevée pour protéger le pont sur la Méouge.
Ces dessins en donnent sans doute une image assez exacte.

Plan de la façade avec clocher

Les deux chapelles latérales ont été rajoutées au bâtiment principal dans la deuxième moitié du XVIIᵉ siècle, par percement des murs du haut de la nef.
L’ensemble a été transformé par la construction, dans les années 1880, d’un clocher moderne et pointu.

Restauration de 1943

Cette photo, prise vers 1937, permet de connaître l’aspect de l’église à l’époque, et de constater que le chœur, avec son décor peint, semble en excellent état.
Même l’inscription «  O Crux Ave  » est parfaitement visible au sommet de l’arc.
C’est l’abbé du Pontavice, nommé curé de Séderon en octobre 1940, qui va rapidement réaliser une rénovation complète de l’église.

La fresque

C’est une peinture monumentale – par ses dimensions, son positionnement à hauteur du regard, par le dépouillement de son style et l’utilisation exclusive de teintes ocrées, elle apporte une dimension spirituelle et artistique particulière.
C’est une peinture a fresco – c’est-à-dire que les couleurs ont été déposées sur un enduit frais, de manière à ce qu’elles adhèrent parfaitement au support en séchant.
Il faut la regarder comme un retour aux grandes fresques médiévales ou, pour être plus moderne, comme une bande dessinée qui expose, avec toute la violence de sa taille et de son graphisme, la souffrance du Christ pour la Rédemption du monde.
La fresque se lit ensuite de droite à gauche, les séquences se chevauchant en continu.
Elle se termine avec la mise au tombeau « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît… »
Pendant longtemps nous avons cru que cette œuvre était unique. Peut-être même l’avons-nous souhaité !
Eh bien non. En parcourant assidûment les territoires où SEURRE a travaillé, deux autres
fresques chemin de croix ont été découvertes, toutes deux dans de petits villages de la Loire : l’une à Boisset-lès-Montrond, peinte en 1946, et l’autre à Cottance en 1947.

Côté Ouest, de la croisée du transept à la porte

1 – TU LE DIS : JE SUIS ROI, MAIS MON ROYAUME N’EST PAS DE CE MONDE
(Evangile Jean 18-37 et 18-36)
2 – IL S’EST FAIT OBEISSANT JUSQU’À LA MORT, JUSQU’À LA MORT DE LA CROIX
(Paul – lettre aux Philippiens – 2, 8)
3 – À CAUSE DES CRIMES DE MON PEUPLE, JE L’AI FRAPPÉ
(Ancien Testament – livre d’Isaïe – 53-8)
4 – UN GLAIVE TRANSPERCERA VOTRE ÂME
(Evangile Luc 34-35)
5 – J’ACHÈVE EN MA CHAIR CE QUI MANQUE À LA PASSION DU CHRIST, POUR SON CORPS QUI EST L’ÉGLISE
(Paul – lettre aux Colossiens – 1, 24)
6 – IL N’A PLUS NI FORME NI BEAUTÉ. IL NOUS EST APPARU COMME UN LÉPREUX
(référence non retrouvée)
7 – AFIN QUE LE MONDE SACHE QUE J’AIME MON PÈRE…
(Evangile Jean 14–31)

Côté Est, de la porte à la croisée du transept

8 – NE PLEUREZ PAS SUR MOI, MAIS SUR VOUS ET SUR VOS ENFANTS
(Evangile Luc 23-28)
9 – IL EST MORT POUR NOUS, ALORS QUE NOUS ÉTIONS SES ENNEMIS (Paul – lettre aux Romains – 5, 6-11)
10 – PRENEZ ET MANGEZ CECI EST MON CORPS LIVRÉ POUR VOUS
(Evangile Matthieu 26–26) et (Evangile Luc 22-19)
11 – UNE FOIS QUE J’AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE J’ATTIRERAI TOUT À MOI
(Evangile Jean 12-32)
12 – MON PÈRE, PARDONNEZ LEUR ; ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT
(Evangile Luc 23-34)
13 – VOICI CE CŒUR QUI A TANT AIMÉ LES HOMMES
(Ste Marguerite Marie Alacoque – apparition de 1675)
14 – NE FALLAIT-IL PAS QUE LE CHRIST SOUFFRIT CES CHOSES, ET QU’IL ENTRA AINSI DANS SA GLOIRE
(Evangile Luc 24-26)

Le cercle se referme sur l’arc du chœur représentant la résurrection

Levez les yeux pour regarder la fresque qui orne l’arc à la croisée des chapelles latérales et de la nef :
Jésus sort du tombeau, glorieux, bousculant les soldats de l’armée d’occupation qui se retrouvent genoux à terre.
La symbolique de la Résurrection explicite le message d’espérance que le curé adressait alors à ses paroissiens, et que l’on va retrouver dans les vitraux du chœur.
De part et d’autre :

Le blason du pape Pie XII représente une Colombe
(le nom du pape est Pacelli. Pace = paix)
A. Seurre
– 1943 –
Le blason de Mgr Camille Pic, évêque de Valence de 1932 à 1952

Le baptistère dans Chapelle Saint-Joseph

Sur le pilier gauche, un cartouche, difficilement déchiffrable aujourd’hui, rappelle la date et les acteurs de la restauration
Cette Eglise a ete
restauree en 1943
Cure-Archipretre
Mr L’Abbe du Pontavice
Maitre-Maçon
Raymond Ghisalberti
Maitre-Verrier
G. Thomas
Artiste Peintre
A. Seurre
E.N.S.B.A
Pour quelles raisons le nouveau curé entreprit-il une restauration qui ne semblait ni urgente, ni même nécessaire  ?
La réponse se trouve peut-être dans les éléments du nouveau décor.

André Seurre, peintre verrier

André Seurre était natif de Besançon.
Il fut élève dans une école des Beaux-Arts. Les témoignages familiaux parlaient de l’école de Besançon, alors que lui fit souvent suivre sa signature du sigle ENSBA, c’est-à-dire École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Son premier métier, représentant de commerce, lui donna l’occasion de découvrir notre région. Mais l’artisanat d’art restait sa passion et il réussit à se faire embaucher par l’entreprise Thomas de Valence, où il s’initia aux métiers du vitrail et travailla de nombreuses années.
Lorsque commence le chantier de Séderon, André Seurre a 45 ans et il a atteint sa maturité créatrice. D’ailleurs, immédiatement après Séderon, il réalisera les vitraux de l’église de Plaisians, un autre village des Baronnies face au Mont Ventoux.

Dès la fin de la Guerre, Seurre revient à Besançon et ouvre son propre atelier.
Très rapidement il acquiert une renommée suffisante pour se voir proposer plusieurs grandes œuvres en qualité de maître-verrier et même pour être consulté à titre d’expert dans des opérations de restauration.
Église de Plaisians rosace :

«  Blaise
protégez la paroisse  »

1944
Dès la fin de la Guerre, Seurre revient à Besançon et ouvre son propre atelier.
Très rapidement il acquiert une renommée suffisante pour se voir proposer plusieurs grandes œuvres en qualité de maître-verrier et même pour être consulté à titre d’expert dans des opérations de restauration.
Sa production sera très abondante. Rien qu’à Besançon, la cathédrale Saint-Pierre, les églises de Saint-Louis de Montrapon, du Sacré-Cœur, de Saint-Pie X ont conservé les vitraux qu’il a créés entre 1946 et 1977, date de son décès.

En contrepartie, son activité de fresquiste ne perdura pas. Seules trois autres fresques ont pu être localisées, toutes situées dans des églises de villages de la Loire.
Deux sont des chemins de croix : Cottance, en 1945, Boisset-lès-Montrond en 1947.
La troisième, peinte en 1947 sur le mur plat qui ferme le chœur de l’église d’Épercieux, rend hommage au travail des hommes.
Pour terminer cette courte évocation, voici son auto-portrait.

Les vitraux

Chapelle Saint-Joseph
le Vitrail

Le vitrail représente le Baptême de Jésus par Jean Baptiste. Il fait partie de la restauration de l’église et fut réalisé par les Ateliers Thomas à Valence.
André Seurre vint sur place en assurer le montage.


Avec la signature
Thomas


En vis-à-vis, dans la chapelle du Rosaire, se trouve l’Annonciation faite à Marie par l’Archange Gabriel.

Chapelle du Rosaire
le Vitrail

Le vitrail représente l’Annonciation faite à Marie par l’Archange Gabriel.


Signature Thomas


Les deux vitraux présentent chacun, dans une symétrie remarquable, un personnage à genoux, les mains jointes, dominé par le bras d’un personnage debout.

Les deux scènes sont surmontées par la représentation du Saint Esprit, sous l’aspect traditionnel d’une colombe auréolée qui projette des rayons éclatants.

Les Vitraux du Chœur
également signés par l’atelier Thomas de Valence

L’un célèbre l’Assomption de Marie, et porte en légende «  Maria, patrona Galliae OPN  » (Marie, patronne de la France, priez pour nous).
Le second, «  Michael defnde nos in pericolo  » (Michel défends-nous du danger), montre l’archange terrassant un dragon.

Tous les travaux de restauration ont été terminés en mai 1943, c’est-à-dire moins de 6 mois après l’occupation de la zone sud de la France par les armées allemandes.
Un contexte historique qui permet d’expliquer les thèmes de décoration choisis par l’abbé Gilles du Pontavice :
Pour bien marquer sa foi en la délivrance du pays, il se place sous la protection de la Vierge Marie, patronne et défenseure de la France contre ses ennemis depuis le vœu de Louis XIII en 1638.

Ce n’est pas non plus par hasard qu’il choisit de montrer Saint Michel en train de combattre et de vaincre un dragon aux couleurs vert-de-gris, comme certains uniformes. La lutte entre Saint Michel et le dragon, qui représente Satan et tous les fléaux du mal, est le mythe premier de la religion catholique.

Le retable

Un magnifique rétable polychrome orne le chœur.
Inscrit aux monuments historiques en 1979, il a été restauré entre 2007 et 2011.

Saint Baudile, martyr

Le retable est surmonté d’une niche avec statue de Saint Baudile, patron de la paroisse.

La statue du saint, qui tient la palme des martyrs, est en bois doré.
Le fond bleu de la niche est parsemé de fleurs de lys dorées. Ce qui permet de dire que ce rétable est antérieur à la Révolution. Selon les experts, il daterait du milieu du 17ᵉ siècle, entre 1650 et 1670.
Il devait se trouver dans une chapelle privée, peut-être celle d’un château, où il aurait été récupéré pour être installé dans notre église.

Détails du retable

Le ciel du retable est très sombre, presque noir.
«  C’était déjà presque midi, et il y eut des ténèbres sur tout le pays jusqu’à trois heures de l’après-midi.  »

(Luc 23.44)

«  Le soleil s’obscurcit et le voile du temple se déchira par le milieu.  »

(Luc 23.45)

À droite du Christ

À gauche du Christ

Nuée bleue comme le manteau de Ste Marie Nuée ocre comme le manteau du légionnaire
Ste Marie, Marie-Madeleine agenouillée et St Jean Légionnaire romain donnant le coup de lance (il est ordinairement placé à droite du Christ)

Au pied du Christ

Marie-Madeleine agenouillé tendant la main droite vers le légionnaire, l’invitant à rejoindre le groupe des chrétiens
À l’arrière-plan, on distingue la fumée d’un éclair partant de la nuée ocre, traversant le bras et la lance du centurion pour tomber sur la coupole de Notre-Dame-des-Doms en Avignon. (En l’absence de signature, c’est la seule indication de l’origine du peintre.)

D’autres détails

On notera la composition en croix de la partie droite du tableau : la lance du soldat romain est coupée par une ligne allant de la nuée orange à la main de Marie-Madeleine en suivant l’éclair qui tombe sur le dôme de Notre‑Dame des Doms.
Est-ce une allusion au martyre de Saint André, frère de Saint Pierre, supplicié sur une croix en X et mort foudroyé  ?

Les stalles

Les boiseries des stalles qui entourent le chœur sont datées : 1834

Elles sont le travail d’un artisan cadranier d’Apt, Pascal fils.

Lequel Pascal fils a également, et la même année, construit un cadran solaire à Séderon. Cadran que l’on peut voir sur la façade d’une maison dans la Bourgade.
Pascal père était aussi cadranier. Si vous avez l’occasion de passer à Apt, allez voir les superbes méridiennes qu’il a construites sur les murs de sa ville. Il y en a deux, en très bel état de conservation.

L’ange

En sortant, jetez un dernier regard en direction de la tribune. Accroché à la croisée des arcs, un petit ange boufarèu vous sourit, en guise d’au-revoir.