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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 04
Notre-Dame-de-la-Brune
Anne-Marie BARRAS
Article mis en ligne le 14 septembre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par BARRAS Anne-Marie

Historiquement, nous savons peu de choses sur cette chapelle que certains font remonter jusqu’au 8e, d’autres au 12e siècle.

On retrouve en effet un site similaire dans la région, à Volx (Alpes de Haute Provence) où l’emplacement du Castrum et du village médiéval de la "Roche Amère" rappelle le site de la Tour avec la chapelle et les traces du Donjon.

Il est certain que Séderon — signalé en 1293 dans l’inventaire des Dauphins où il est cité "CASTRUM de SEDARONO" — possédait sur son site qui dominait la cluse de la Méouge et contrôlait les accès des quatre points cardinaux, outre le donjon et des habitations, une église qui devait être cette chapelle Notre-Dame.

Quand a-t-elle pris le nom de "La Brune" et pour quelle raison ? Ce sont des questions qui peuvent se poser. Il serait intéressant d’en trouver la réponse.

Certains la nomment N.D. La Brune et d’autres N.D. de La Brune C’est le nom qu’elle porte sur les cartes actuelles et sur les comptes-rendus de visites pastorales du 17e siècle.

Une chapelle Notre-Dame La Brune existe encore à Mazan (Vaucluse), à l’angle d’un chemin qui porte son nom, mais c’est un édifice plus important et ayant été manifestement rénové dans le style du 19e siècle.

Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne notre chapelle, les plus anciens documents que nous possédons et qui la citent remontent à 1551. L’inventaire des Hautes-Alpes nous apprend :

  • qu’en 1551, l’église de Notre-Dame (de La Brune) et celle de St Baudile menaçaient ruine faute de réparations et que les revenus du prieuré atteignaient 80 écus ;
  • qu’en 1599, l’église de St Baudile, fort éloignée du village était en ruines, que le service paroissial se faisait à Notre-Dame et que le prieur affermait ses biens 200 livres "hors le décime".
(Extrait de l’Histoire de l’Arrondissement de Nyons de A. Lacroix)

Par contre une visite pastorale de 1641 parle de l’église de Guisset fort petite et non voûtée sauf au "presbytère" et de la chapelle de St Baudile, fondée dans l’eglise paroissiale par Baudile Dupré. Cette chapelle a été appelée en 1662 la chapelle "de maistre Pierre".

Monsieur Gontard nous rappelle dans son étude sur Séderon à travers les siècles que la première maison du village actuel a été bâtie en 1603. (Date relevée sur le registre d’un curé de la paroisse).

Nous pouvons donc en déduire que l’église de Notre-Dame qui était encore en 1599 l’église paroissiale de l’agglomération a été progressivement abandonnée à mesure que se construisait le nouveau site de Séderon dans la vallée, au pied de la "Tour" où l’on a édifié une église paroissiale neuve et plus grande qui n’est d’ailleurs pas exactement celle que nous connaissons aujourd’hui car rénovée et agrandie d’un clocher en 1884.

C’est ainsi que la nouvelle église paroissiale s’est trouvée sous la protection de trois Saints. C’est ce qu’on retrouve dans le compte-rendu d’une visite pastorale du 20 mars 1687 effectuée par l’Évêque de Gap qui titre :

Visite paroissiale de l’Évêque de Gap 20-03-1687
© Essaillon

Séderon

Visite de l’église paroissiale
de Sederon sous le titre de Notre
Dame de la Brune, St Baudile et
St Pierre de Guisset

L’an mil six cent quatre vingts sept et le vintieme
Mars, Nous Chalres Benigne Herné conseiller du Roy en
ses conseils nommé Evêque comte et seigneur de Gap vi-
caire et official general du meme dioceze continuant notre
visite sommes partis d’Izon en Dauphiné et arrivéz
sur le soir a Sederon ou n’ayant pu faire notre visite
a cause qu’il etoit trop tard l’avons remise au lendemain
matin a laquelle nous avons procedé ainsy qu’il ensuit
assistéz des Sr Philippe Arnaud curé, Joseph Barbe-
rousse secondaire, viguier, consuls et autres habitants
dudit lieu apres avoir fait les prieres ordinaires dans
l’eglise paroissiale sour le titre de Notre Dame de la
...

La chapelle de St Baudile avait déjà disparu, en ruines, et avait été remplacée par une petite chapelle dans l’église neuve de Séderon.

La chapelle de St Pierre de Guisset, qui était loin de Séderon, a dû subsister tant qu’il y avait encore quelques familles établies autour d’elle (celles-ci n’étaient plus que 3 avant la Révolution). Elle n’a pas bénéficié des travaux et restaurations nécessaires à son maintien et a disparu elle aussi il y a fort longtemps.

La chapelle de Notre-Dame était la plus proche. Elle avait été "l’église paroissiale de Séderon" et a dû être entretenue plus longtemps que les autres mais elle aussi a fini par être abandonnée car à la fin du l7ème siècle les visites pastorales ne font plus état que de l’église paroissiale et de la chapelle des Pénitents Blancs.

Ces faits sont confirmés par l’inscription retrouvée sur le registre paroissial de 1766.

Messire Henri Joseph Testanière de la Brugière, curé de Séderon et archiprêtre, précise, à la date du 6 septembre 1766, qu’il a béni la chapelle de Notre-Dame la Brune qui vient d’être reconstruite sur les débris de l’ancienne église paroissiale de Séderon.

Bénédiction ND la Brune 06-09-1766
© Essaillon

C’était une renaissance pour la chapelle qui a sans doute été entretenue jusqu’au début du 20ème siècle. La date de 1833 retrouvée sur un linteau ainsi que le socle d’une croix de mission datée de 1882 et installée devant la chapelle témoigne de son utilisation. Des Séderonnais se souviennent encore de processions ou de quelques offices alors qu’une partie était déjà en ruines.

Ce prêtre qui s’était attaché à la reconstruction de Notre-Dame avait désire y être enseveli. C’est ainsi que l’on retrouve dans les archives municipales la mention de son décès le 8 septembre 1774 et de son inhumation le lendemain 9 septembre à 7 heures du soir à Notre-Dame la Brune.

Sépulture de Messire Joseph TESTANIÈRE de la BRUGIÈRE 08-09-1774
© Essaillon

Mre Henri Joseph Testaniere de la Brugiere curé archiprêtre de Séderon

L’an mil sept cent soixante et quatorze et le huitieme septembre est mort environ
à onze heures et demi du soir et a été enseveli le lendemain à sept heures du
soir à cause de la putrefaction, à Nôtre Dame la Brune Mre Henri Joseph
Testaniere de la Brugiere curé de Séderon et archiprêtre après avoir reçu avec
edification tous les secours spirituels ; il était agé environ de soixante sept ans,
ainsi l’atteste je avec Mre André Gabriel curé de Montbrun, Mre Etienne Revest,
prieur de Reilhanette, Mre Claude Charras curé de Vers, Mre Sauvaire Barrüol
curé de Barret de Lioure, Mre Jean Balthazar Charras vicaire dudit barret, Mre
Raspail curé de Ferrasières, Mre Guion vicaire du Revest, Sr Marc lambert
clerc tonsuré, Sr Jean Pierre Dethès clerc tonsuré, qui ont assisté à son convoi funebre
avec Sr Baudile Conil régent des ecoles et Sr Louis Girard * , temoins requis et signés avec
Moy * marechal ferrant
Reynaud-Lacroze, vicaire de Séderon

Nous n’avons pas trouvé la trace de sa tombe comme nous le pensions mais d’après des renseignements obtenus auprès de chercheurs nous avons appris que les carreaux qui restent encore sur une grande surface du sol de la chapelle sont typiques du l9ème siècle et que les "restaurateurs" de cette époque avaient tendance à recouvrir les tombes existant dans les églises.

Sans doute vaut-il mieux laisser en paix les restes de celui qui par son attachement à la chapelle nous a permis de retrouver suffisamment de vestiges pour pouvoir envisager de la reconstruire à nouveau. L’essentiel n’est-il pas de se souvenir ?