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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 32
Adieu le Franc !
Article mis en ligne le 3 octobre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par DELSART-MICHEL Paule
Il est parti ! Il ne sonnera plus sur nos comptoirs, il ne trébuchera plus sur le chemin de notre vie, lui, ce compagnon de « fortune » qui nous a bien servis, le Franc et ses Centimes que nous appelions les sous. Le sou, 20ème partie du franc, du latin « solidus nummus » c’est à dire monnaie épaisse frappée en France par les

Mérovingiens.

Nous souvenons-nous de cette petite monnaie que nos parents nous donnaient parcimonieusement, nos petits sous qui remplissaient tout juste le creux de notre main et que, fièrement, nous allions dépenser à l’épicerie du coin pour avoir un petit caramel carré enveloppé dans du papier gris ?

Il était notre récompense ce petit sou, pour un effort, pour un petit travail, pour notre « sagesse ».

Certains l’abandonnaient dans une tirelire. Je n’étais pas de ceux-là, ma gourmandise était immense ! Et puis il en fallait vingt pour faire 1 Franc, c’est à dire beaucoup de patience, autant n’en faire qu’une bouchée !

Un sou ou deux, c’était aussi un bout de ZAN, le fameux TORTOSA, ce bonbon de réglisse très fort dont la saveur brûlait nos papilles !

Un sou, 2 sous, 5 sous, 10 sous, cela sonnait bien, un mot d’une syllabe facile à dire, facile à écrire, facile à dépenser !

Nous savions que :
1 sou c’était 5 centimes
2 sous 10 centimes
5 sous 25 centimes
10 sous 50 centimes
qu’il nous fallait 20 pièces d’1 sou pour avoir 1 Franc,
ou 10 pièces de 2 sous ou 4 pièces de 5 sous.

Ils étaient beaux ces petits sous troués : A l’avers ils nous montraient leurs grandes lettres R F, le bonnet phrygien, la couronne de chêne.

A l’avers, la valeur faciale suivie d’un grand C nous rappelant qu’il s’agissait de centimes, que la Révolution était passée par là et que nous avions dans nos mains les monnaies du système décimal, alors que nous parlions encore de « sous » comme nos anciens.

Au revers, nous distinguions aussi la devise de la République, l’année de la frappe, et la branche d’olivier . Que d’informations sur une si petite surface !

Dans nos jeunes têtes bouclées, sous et centimes faisaient bon ménage, nous étions habiles dans nos conversions et nous savions faire nos équivalences. Et quand, par bonheur, nous avions quelques Francs en poche, nous nous sentions très riches ! Nous nous posions une seule question : Combien ?

Après tant d’années, d’autres questions ont surgi :

Quand ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? Où ?

Et nous aimons trouver les réponses :

Dans l’antiquité, les pièces d’or et d’argent étaient couramment utilisées pour le commerce en échange d’autres biens. Ce sont les Lydiens, habitants d’Asie Mineure (Turquie) qui, les premiers, eurent l’idée de façonner un mélange d’or et d’argent en forme de haricots secs dont le poids et la qualité étaient fixes. Ainsi les Grecs, se demandant pourquoi leurs affaires n’étaient plus aussi florissantes qu’autrefois dans leurs colonies d’Asie Mineure, en saisirent vite la raison : les relations commerciales se font plus vite et sont plus commodes avec l’usage des pièces de monnaie pour les paiements. Ils se mirent donc « à frapper monnaie », une opération qui consiste à imprimer dans le métal encore chaud un dessin gravé sur une matrice déterminée, appelée « coin ». Il existait aussi une méthode la « fusion » qui consiste à verser le métal en fusion dans des moules, mais le résultat était moins beau, les traits moins précis.

Les monnaies grecques étaient ornées de dieux et de déesses, les monnaies romaines, à l’effigie des empereurs.

L’Empire byzantin inaugura la période des monnaies médiévales.

Les monnaies gauloises, à partir du IVème siècle av J. C, furent les premières pièces gravées (or et argent).

Pendant tout le Moyen-Age européen, le système de classification resta celui fixé par Charlemagne :

Une £ivre valant 20 sous ou 240 deniers.

En France, Philippe-Auguste, roi de 1180 à 1223, rétablit l’unité monétaire du royaume avec le denier d’argent parisis.

Saint-Louis frappa l’Ecu d’or.

C’est Jean-le-Bon, en 1360, qui baptisa notre unité monétaire « Franc  ».

Il fit frapper une monnaie d’or pour payer sa rançon aux anglais dont il était prisonnier.

Le type ou figure en était un chevalier casqué sur son cheval. Le chevalier était « franc » c’est à dire libre, tel est sans doute le sens de ce terme appliqué à la monnaie.
 
Le mot « Franc » fut ainsi substitué au mot « £ivre » et le Franc valait une livre tournois ou 20 Sous ou 240 deniers.

Louis XI créa l’écu du soleil,

Louis XII, le Teston d’argent, du mot « testa : la tête » la tête du roi étant empreinte sur les monnaies.

Louis XIII restaura le système monétaire avec le double Louis d’or qui courait encore en 1789.

Nos anciens de 1789 comptaient en liards, ½ sol, sol, 6 sols, 12 sols, 24 sols, ½ écu de 3 livres, écu de 6 livres, Louis d’or de 24 livres et 2 Louis d’or.

A la Convention, ils comptaient en ½ Sol aux balances, Sol aux balances, 2 Sols aux balances.

On le voit, il s’agissait d’un système duodécimal.

Le 7 avril 1795, nous sommes en l’an III de la République, (18 Germinal de l’an III) lorsque la Convention Nationale décide de l’établissement du système monétaire décimal. Sur ces bases et par décret du 15 août 1795, le Franc remplace la £ivre-tournois comme unité monétaire.

Le Franc est divisé en 10 décimes et le décime en 10 centimes.

Le 23 septembre 1799, Le Directoire établit une loi rendant obligatoire la comptabilité en Francs. Depuis, ce système d’une grande simplicité a été conservé par la Nation Française et adopté par bien d’autres pays.

A titre d’exemple voici le tableau des conversions lorsque le 15 Août 1795, le Franc remplaça la £ivre
Royales Constitutionnelles Conventionnelles
Bronze Liard 3 deniers
½ Sol 6 deniers ½ Sol aux balances
1 Sol 12 deniers 1 Sol aux balances
2 Sols 2 Sols aux balances
Argent 6 Sols ou 1/20 Ecu
12 Sols ou 1/10 Ecu
15 Sols
24 Sols ou 1/5 Ecu
30 Sols
½ Ecu de 3 £ivres ½ Ecu de 3 £ivres
Ecu de 6 £ivres Ecu de 6 £ivres Ecu de 6 £ivres
Or 1 Louis d’or Louis de 24 £ivres 24 £ivres
2 Louis d’or

Nos ancêtres ont dû bien s’amuser eux aussi !

Depuis, notre Franc nous a montré, sur sa face appelée « avers », et suivant les régimes politiques successifs les effigies des empereurs, rois, Mariannes, Francisque, effigies d’hommes célèbres ou représentations d’événements importants avec des inscriptions comme :

  • Bonaparte premier consul,
  • Napoléon Empereur,
  • Louis XVIII roi de France,
  • Louis-Philippe,
  • République Française Commerce et industrie.

Au « revers » des inscriptions variant aussi suivant le moment comme :

  • Liberté Egalité Fraternité
  • République Française
  • Empire Français avec aigles impériales
  • blasons,
  • couronnes,
  • millésime.

Une pièce commémorative d’une valeur faciale de 5 Francs a été frappée, en l’an 2000, à l’effigie de Jean-Le-Bon, une autre à l’effigie de Charlemagne, de Louis XIII, une Marianne révolutionnaire, et bien d’autres encore. Elles sont toutes superbes et éloquentes de la plus ancienne à la plus récente.

D’une valeur d’un petit centime jusqu’à 100 F, de la plus grande à la plus petite, nos pièces ont gravé dans l’or, l’argent, le cuivre, le bronze, l’aluminium, tout ce que nous ne devons pas oublier. Il suffit de les observer avec attention pour entendre le récit des heures glorieuses et des heures sombres de cette histoire qui est la nôtre.

L’€uro qui fait couler beaucoup d’encre en ce moment, nous en dira-t-il autant ?

Gageons, pour ce qui est des conversions, que nous retrouverons très vite les réflexes de nos jeunes années.

Pour ce qui est du vocabulaire, « un sou sera toujours un sou », nous essaierons toujours « d’être propres comme un sou neuf », « d’économiser sou par sou », de jeter « ce qui ne vaut pas un sou », nous craindrons toujours de « ne pas avoir le premier sou » ou pire, de « n’avoir ni sou ni maille », car nous savons bien « qu’un sou amène l’autre ».

Pour ce qui est de notre imagination, nous habillerons toujours notre monnaie pour lui donner des allures de blé, d’oseille, de patates, de briques, de balles, de flous, de pognon, de barres, de petites rondelles, de méga rondelles, de roues de carrosse et nous rêverons toujours d’être pleins aux as.

A Rochefort le 18 12 2001
Paule MICHEL-DELSART

Sources :

Encyclopédies Encarta, Larousse
Monnaies françaises. Victor Garoudy