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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

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Lou Trepoun 49
Le temps des artisans
Article mis en ligne le 13 mai 2014
dernière modification le 13 décembre 2014

par BARRAS Henri

Si les noms de nombreux « grands hommes » du passé ont traversé les siècles ils n’ont pas été les seuls à faire progresser les “connaissances”. Du livre de André LEROI-GOURHAN [1], je ne citerai que ces quelques mots qui résument tout

LA CIVILISATION REPOSE SUR L’ARTISAN...

De ce point de vue L’Histoire des Techniques [2] est riche d’enseignements quant aux rapports entre les métiers dits maintenant de l’artisanat et l’émergence de la “méthode expérimentale” telle que nous la connaissons.
Car l’accumulation des « savoir-faire » et des observations a progressivement conduit certains artisans à “inventer” de nouvelles “techniques” et parfois à en induire des protocoles expérimentaux.
Avec comme moteur de cette activité le besoin qu’a l’homme de chercher des causes c’est-à-dire d’expliquer et donc de communiquer ces explications fussent-elles irrationnelles ou magiques. Il suffit pour s’en persuader de lire les oeuvres complètes de Descartes mais que l’on ne connaît qu’au travers de son « Discours sur la méthode » qui l’a rendu célèbre.
Descartes veut tout expliquer du monde et il s’en est fait une « représentation » logiquement construite à partir d’hypothétiques éléments invisibles : “des tourbillons”. La liste de ses 207 “explications” dans « Les principes de la philosophie » illustre sa vision du monde mais aussi... ses égarements comme dans la proposition 19 où il écrit : « Que je nie le mouvement de la terre avec plus de soin que Copernic et plus de vérité que Tycho. »
Cette référence à l’astronomie est exemplaire car elle en illustre l’importance historique.
Dans son passionnant livre « Les somnambules » Arthur Koestler nous dévoile la vie tourmentée des observateurs du ciel dont celle de Nicolas Copernic. Célèbre pour son ouvrage “Des révolutions des orbes célestes”, Copernic y explique que la terre tourne autour du soleil (système héliocentrique) mettant ainsi en cause la doctrine géocentrique de l’église.

L’écriture

Dans cette longue histoire, il ne faut pas oublier l’invention de l’écriture et sa corrélation avec le langage. La transmission orale des « savoir-faire » a ensuite fait place aux manuels ou traités dont certains nous sont parvenus ou qui sont cités par les textes anciens.
Pline l’ancien ou « le naturaliste », né à Côme en 23 sous le règne de l’empereur Tibère a laissé 37 livres sur l’histoire naturelle dont Buffon a fait l’éloge. On y trouve l’astronomie, la géométrie, la physique, la botanique, la médecine, l’anatomie, la minéralogie, l’agriculture et les arts mécaniques. D’où son nom d’« Encyclopédie romaine ».

La numération

Nécessaire aux échanges car il faut peser les marchandises, mais aussi mesurer les surfaces des terres pour établir des cadastres, compter le temps qui "s’écoule" et mesurer les angles en astronomie, la numération s’est probablement imposée avant l’écriture comme en témoignent les traits gravés sur des os ou sur des poteries. Rappelons ici que le système décimal de position que nous utilisons, inventé en Inde avec le chiffre zéro, nous a été transmis par les Arabes.

La géométrie [3]

Déjà dans l’Égypte ancienne la pratique de la géométrie pour l’établissement des cadastres avait conduit à des propositions sur les propriétés des triangles et des cercles.
Mais il faut attendre Thalès au VIe siècle avant JC puis Pythagore (vers 570-580 av JC) pour que soient établis des résultats logiquement élaborés.
Puis vint Euclide qui, au IVe siècle av. JC, réalise avec ses « Eléments » la première synthèse de la géométrie.

L’ÉVOLUTION

Des échoppes aux ateliers puis aux laboratoires et des outils aux instruments le chemin n’a finalement pas été très long. Sans négliger les chemins de traverse qui ont conduit de l’astrologie à l’astronomie et de l’alchimie à la chimie. Sans vif argent ou mercure [4], très utilisé par les alchimistes, et sans les tubes en verre remplis de mercure, les baromètres n’auraient pas été fabriqués.
Ce sont encore des artisans qui furent les INVENTEURS de ce verre que l’on pouvait souffler. Car sans le soufflage du verre nombre d’expériences de thermodynamique des gaz n’auraient pu être faites et on peut affirmer que la « Science expérimentale », en particulier la physique et la chimie, n’aurait pas eu un tel développement sans le verre.
Dans un autre domaine, celui de la construction, un état des moyens techniques dont disposaient les Romains est aussi étonnant à inventorier. L’usage du levier, du palan et des moufles les avait conduit à l’étude des forces [5] et à leur « composition » et donc à la « Statique ». Sans oublier les balances dites « romaines » devenues des objets de collection.
Quant à la distribution de l’eau et aux techniques de l’hydraulique il faut savoir que les pompes aspirantes et foulantes étaient connues. Comme aussi le résultat, inexpliqué alors, de la limitation de la hauteur d’élévation de l’eau [6].
De nombreux appareils dits « de mesure » sont dus à l’esprit inventif d’artisans et en général les « physiciens expérimentateurs » faisaient fabriquer les instruments qu’ils inventaient par d’habiles artisans qu’ils employaient.
Qui sait que c’est un simple ouvrier mécanicien belge, GRAMME, qui inventa la première dynamo en mettant en application la découverte des courants d’induction par Faraday ? Dynamo qui s’avéra être aussi le premier moteur électrique !
Nous aurons l’occasion de reparler de GRAMME, de la famille d’un de nos adhérents.

Jusqu’au siècle dernier furent publiés des ouvrages sur les instruments comme le célèbre BOUASSE (Construction, description et emploi des APPAREILS DE MESURE ET D’OBSERVATIONS) publié en 1917 dans la bibliothèque scientifique de l’INGÉNIEUR et du PHYSICIEN.

Henri BARRAS

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