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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Séderon il y a 400 ans… 1613
Article mis en ligne le 29 décembre 2016

par ANDRIANT Sandy-Pascal, DETHÈS Romain
Dans cette rubrique nous continuons à publier les transcriptions [1] de délibérations de la communauté de Séderon. Prises par le « Conseil général de la communauté » ancêtre de nos conseils municipaux, ces délibérations nous permettront de découvrir ce qui se passait dans notre village et comment il s’organisait voilà 400 ans…
Rappel de la situation historique Henri IV a été assassiné le 14 mai 1610. Louis XIII, à peine âgé de 8 ans, succède aussitôt à son père selon l’adage « le Roi est mort, vive le Roi ». Il n’épousera Anne d’Autriche que le 25 novembre 1615 à Bordeaux. Marie de Médicis, sa mère, exercera la Régence jusqu’en 1617. Au plan religieux, Henri IV a pacifié la France par la signature de l’Edit de Nantes en 1598 après une succession de 8 guerres de religion qui ont divisé le pays. Sous l’Ancien Régime, Séderon appartient à la Provence, dépendant du Parlement d’Aix. Les « députés de la communauté » iront souvent à la viguerie de Forcalquier.
Rappel sur la gestion communale sous l’Ancien Régime Dans le royaume de France, à partir du 12e siècle et jusqu’à la Révolution, les villages étaient administrés par les habitants. Ainsi, chaque année, les chefs de famille élisaient leurs représentants : échevins dans le Nord, capitouls dans le sud-ouest, consuls en Provence.
Elus par deux pour un an, les consuls étaient à la tête d’un conseil de la communauté composé de conseillers (en général les anciens consuls encore en vie appelés « consuls vieulx »), d’estimateurs, d’auditeurs de comptes et d’un trésorier. L’assemblée se réunissait selon les besoins de la communauté, le plus souvent à la demande des consuls sous l’autorité du baille (représentant du seigneur : Jehan Beauchan en 1613), en son absence du lieutenant du baille (parfois qualifié de « subrogé baille » [2] : Claude Roubaud en 1613) ou à défaut avec le rentier du Seigneur [3] (Anthoine Ricou en 1613), en présence d’un sergent ordinaire (Marcian Mouton en 1613) et d’un greffier (souvent le notaire) qui transcrit toutes les délibérations.
Les « chefs de maison », avec ce conseil, constituaient l’assemblée villageoise qui délibérait sur différents sujets… [4]
2e partie : Juillet à Décembre 1613

Le 7 Juillet, le conseil de la communauté se réunit « dans la basse cour de Claude Roubaud a la requeste de Mr Jehan Bonnefoy et Jacques Landric consulz modernes ». Après discussions, il est acté d’envoyer un représentant à Aix où aura lieu une assemblée des communautés « surendettées » qui doit « délibérer sur le payement des debtes des dites communautés » et pour assister au procès contre la communauté de Barret.

Le 28 Juillet, les consuls rappellent que les créanciers se font très pressants. Que ce soient Mr la Combe de Forcalquier, le Sieur de Bédoin ou le Sieur de Gouvernet (…) « il veult estre payé de ce que la communauté luy doibt ». De même pour le Sieur de Mouthe, la veuve de Mr Vallier… « ledits consulz ont requis estre délibéré pour obvier à frais et despans. A quoy n’a este délibéré aulcune chose a cause que les hommes y adcistants ont disparu de quoy lesdits consulz ont protesté ».

Le 4 août, pour faire face aux menaces de poursuites et aux saisies des créanciers, le conseil des « chefs de maison » décide de mettre la trésorerie à l’enchère « au rabais » et ensuite que l’on « imposera une tailhe ».

Le 25 août, la fonction de trésorier est octroyée, après enchères, à Anthoine Roubaud.
Le 1er Septembre, le trésorier Anthoine Roubaud est relevé de sa fonction et c’est Jehan Roubaud qui le remplace au motif « qu’il se commet de grandes vexations par le trésorier » sur les habitants.

Le 8 septembre, le conseil arrête une nouvelle imposition pour satisfaire provisoirement ses créanciers : le Sr de Gouvernet, Sr la Combe, Sr de Bedoin, Sr Bellon, Sr Mercadier, ladite Chapuisse.

Le 29 septembre, la fonction de fournier est mise à l’enchère [5]. Toutefois, « voyant le dit conseilh le desordre que estoit sur la dite crie, a este delibere que Bertrand Chauvet et Jehan Barier, precedantz fourniers continueront a cuire audit four a la manière accoustumee » et prélèveront un pain pour 100 pains cuits.

Le 24 Novembre, les consuls ont été informés que le sieur de Bedoin a cédé au sieur de Montbrun certains arrérages [6] qu’il prétend être dus et pour lesquels il a « faict gager la communauté ». Le conseil préconise alors d’envoyer les consuls auprès du Seigneur de Montbrun « pour le supplier de faire cesser ladite poursuite ».

Le 8 décembre, le conseil précise que « Monseigneur de Montbrun (…) enthend d’estre satisfait de la somme de 100 escus que luy ont este cedez par Mr de Bedoin ». Par ailleurs, Mr Bonard Sr de Roquebrune, représentant des communautés surdendettées requiert 30 ou 40 escus pour l’arrêt qui a été rendu entres les communautés concernées et leurs créanciers. Il est donc imposé une taille supplémentaire qui sera exigée par le trésorier auprès des habitants dès le lendemain. Toutefois il semble que cette tâche s’annonce difficile puisque « ladite tailhe a este signifiee audit Jehan Roubaud thresorier cy present pour en faire lexaction [7] que na rien dit et ne voulant signer »…

Le 27 décembre, l’assemblée se réunit dans l’étable de Loys Robaud. Sont élus Nicolas Dumont comme premier consul et Jehan Camerle comme deuxième consul « lesquels presentz et la charge acceptant ont preste serment entre les mains dudit Sr bailhe de bien et fidellement exercer la dite charge de consul jusques a nouvelle creation, procurer les proffict de la communauté et evicter son dommage ». Sont élus conseillers les consuls de l’année précédente (que l’on nomme les « consulz vieux ») Bonnefoy et Landric ainsi qu’Anthoine Reynaud, Anthoine et Guilhen Ricous, Pierre Jehan, Anthoine Granchan dit « Toty » ; Ysac Jehan, Claude Roubaud, Suffren Puy, Loys Robaud. Sont élus comme estimateurs Anthoine Granchan dit « Toty » et Jacques Landric. Le baille « leur a aussy faict prester le serment et ainsy a este dellibere et procedé ausdites elections desquelles choses comme bien et deliberation faicte ledit Sr bailhe y a mis et interpose son authorite et decret judiciere ».

Dès le 29 décembre, les nouveaux consuls Nicolas Dumont et Jehan Camerle convoquent l’assemblée car la communauté doit rapidement payer la taille et le taillon et ils « ne scavent ou prendre l’argent »… C’est donc le trésorier Jehan Roubaud qui doit avancer la somme due.
Sont également nommés dans le conseil comme auditeurs des comptes : Anthoine Reynaud, Anthoine Ricou, Guilhen Ricou, Pierre Jehan, Louys Roubaud de Claude, Peyre Chastel avec les consuls modernes. Il est enfin délibéré « d’aller visiter le seigneur de ce lieu avec ung present honneste attendu son retour de la Cour »…

Les dettes importantes de la communauté de Séderon monopolisent les délibérations du deuxième semestre 1613. Les moyens de répondre aux exigences pressantes des nombreux créanciers sont limités. Des procédures judiciaires sont engagées, des actions sont menées par des créanciers exaspérés, des impôts supplémentaires sont levés sur une population déjà pauvre et accablée…
Du coup les chefs de famille quittent l’assemblée avant la fin des délibérations qui préconisent trop souvent de créer de nouveaux impôts. Avec des moyens financiers quasi inexistants (au sujet de dettes le conseil précise « pour le paiement desquels n’y a point de fondz et la tailhe imposee ny peut suffire [8] ») le village continue néanmoins d’être administré et s’organise (trésorier, fournier…).


Romain Dethès & Sandy Andriant